Dans une récente interview accordée à RFI et conduite par Christophe Boisbouvier, Samuel Eto’o, président de la FECAFOOT, s’est livré à un exercice d’autopromotion qui a laissé bien des questions en suspens. Derrière les déclarations soigneusement calibrées, le bilan de ses trois ans à la tête du football camerounais reste mitigé, et ses ambitions politiques, bien que non avouées, se dessinent en filigrane. Plongée dans les vraies réponses qu’il aurait pu donner sans détour.
—
Le Contrôle des Lions : Une Perte Qui Fait Mal
Question de RFI : Depuis avril, vous avez perdu le contrôle administratif et financier des Lions Indomptables. Est-ce un revers ?
Réponse officielle : « Nous n’avons rien perdu. »
Ce qu’il aurait pu dire : « C’est un coup dur. La gestion financière des Lions représentait une ressource cruciale, avec 1,5 milliard FCFA par regroupement. Cette manne me permettait de tenir mes engagements personnels et de financer certaines activités de la Fédération. Sans cet argent, tout devient plus compliqué, y compris le lancement du championnat. »
Cette perte, au profit du ministère des Sports, affaiblit considérablement la FECAFOOT et son président, qui peinent désormais à maintenir leur influence.
—
Un Second Mandat ? Oui, Mais à Quel Prix
Question de RFI : Vous serez candidat à votre propre succession ?
Réponse officielle : « Nous verrons… »
Ce qu’il aurait pu dire : « J’ai déjà modifié les textes pour garantir ma candidature malgré ma condamnation pour fraude fiscale. Mais tout dépendra de l’issue des procédures en cours à la CAF et au TAS, où je risque une suspension. Si je survis à ces échéances, je serai prêt pour un second mandat. »
Eto’o joue sur tous les fronts, réécrivant les règles pour écarter ses rivaux et sécuriser sa place, tout en restant sous la menace de décisions juridiques lourdes.
—
Marc Brys : L’Entraîneur Qui Dérange
Question de RFI : Vous êtes en conflit avec Marc Brys, le sélectionneur. Que lui répondez-vous ?
Réponse officielle : « Répondre à un employé serait une perte de niveau. »
Ce qu’il aurait pu dire : « Brys m’a retiré le contrôle sur les Lions. Il ne me laisse pas entrer dans les vestiaires, ne me consulte pas sur les choix des joueurs, et cela bouleverse ma stratégie. Je préfère un sélectionneur docile comme Rigobert Song. Brys gagne ses matches, mais cela ne suffit pas à me convaincre. »
L’intransigeance de Brys a fragilisé la domination d’Eto’o sur l’équipe nationale, créant une tension palpable.
—
Face au Ministre des Sports : Une Bataille Politique
Question de RFI : Êtes-vous opposé au ministre Narcisse Mouelle Kombi et au SGPR Ferdinand Ngoh Ngoh ?
Réponse officielle : « Je ne suis opposé à personne. »
Ce qu’il aurait pu dire : « Oui, il y a des tensions. Mais j’ai mes soutiens, y compris auprès de la Première Dame. Je sais naviguer dans ces eaux politiques. »
Eto’o utilise sa popularité pour résister à ses opposants, mais son influence reste limitée face à des figures politiques puissantes.
—
Présidentielle 2025 : Eto’o Rêve de Politique
Question de RFI : Pensez-vous à la présidentielle ?
Réponse officielle : « Je soutiens le président Biya. »
Ce qu’il aurait pu dire : « Oui, le destin de George Weah m’inspire. Je suis populaire, et personne ne pourrait me battre dans une élection. Mais mes détracteurs sortiraient mes dossiers financiers et ma nationalité espagnole pour m’écarter. Pour l’instant, je préfère jouer un rôle indirect. »
Eto’o ne cache pas son ambition d’entrer en politique. S’il ne vise pas directement la présidence, il entend peser sur la succession du président Biya.
—
Un Bilan Qui Divise
En trois ans, Samuel Eto’o a fait face à des défis majeurs, de la gestion des finances à la coordination avec les clubs et le gouvernement. Si son charisme et son aura de légende du football lui confèrent une base solide, son leadership reste entaché par des décisions controversées et une gestion opaque.
Entre ambitions personnelles et tensions institutionnelles, l’homme est à un tournant : restaurer sa crédibilité ou perdre définitivement la confiance des Camerounais.